L’Angleterre est habituée aux jeunes rois. Armé de son premier projet Send Them to Coventry, Pa « King » Salieu — vingt-trois piges au compteur — est en train de s’installer confortablement sur le trône du rap UK. Côté fait d’armes, le jeune driller a déjà croisé le fer en studio aux côtés de FKA Twigs, est en contact avec Jorja Smith et joue le mannequin pour la marque Burberry. Bien qu’écrit en une poignée de minutes, son hit « Frontline » est devenu viral dans les tous quartiers et a affolé les charts anglais depuis sa sortie au début de l’année.
Un pied en studio où il « continue d’étudier la musique », Pa Salieu continue également de traîner une pompe dans la rue. La mort est à ses trousses : en 2018, son meilleur ami, le rappeur AP, décède, poignardé. L’année dernière, c’est Pa Salieu qui est victime d’une tentative d’assassinat expresse, sur le parvis d’un pub de Coventry. Résultat ? Pa prend une balle dans la tête, mais survit : « Shot me in my head and I’m still breathing », comme il l’expliquera quelques mois plus tard dans le track « Hit The Block ».
Quarante ans après la formation des Specials à Coventry, le rappeur d’origine gambienne est bien décidé à faire briller à nouveau sa ville sur la scène anglaise. Premier geste ? La sortie en cette fin d’année de Send Them Back to Coventry, sa première mixtape incendiaire de quinze titres entre drill, dancehall et afroswing. Rencontre.
Pa, bravo pour Send Them to Coventry, ce premier album est hyper réussi !
Merci man. Mais il s’agit plutôt pour moi d’une première mixtape, d’un premier pas.
Un premier pas pour emmener le public au cœur de ta ville, Coventry ?
Coventry pourrait être n’importe quelle autre ville, elles ont toutes leurs folies, leurs bons et leurs mauvais côtés. Mais Coventry c’est ma ville, ma vie, mon univers. Cette mixtape, c’est une invitation au cœur de tout ça ! C’est le début de mon récit man, c’est le début de mon périple. Un voyage qui ne fait que commencer, mais qui commence ici, au quartier, bienvenue à Coventry !
Depuis l’époque où l’on y emprisonnait les troupes royalistes capturées pendant la première révolution anglaise, Coventry a gardé cette réputation de ville de relégation, d’exclusion, au point qu’on parle d’être « envoyé à Coventry ». On pourrait donc penser que le titre de ton projet a un double sens : à la fois une invitation, et peut-être aussi un message à tes concurrents menacés d’être « envoyés à Coventry » ?
Coventry est une ville qui a reçu, par le passé, beaucoup de prisonniers de guerre. L’expression est restée depuis. « Être envoyé à Coventry », c’est comme être excommunié, c’est être mis au ban de la société, c’est être discriminé, ostracisé. Mais alors franchement, ce n’est pas du tout mon état d’esprit. Je ne crois pas dans la compétition man, je crois dans la musique. Coventry c’est mon histoire, ma voix, ma musique !
Ta production musicale a démarré il y a deux ans il me semble ?
Oui, deux ans et demi en fait. Sous la forme de freestyles, au quartier. Je balançais ensuite tout en ligne, sur les réseaux. Je m’assurais à chaque fois de cliquer sur le bouton promo d’Instagram, en y laissant tout l’argent que j’avais en poche, même si ce n’était que cinq livres ! Ce sont ces petits freestyles, réalisés dans un esprit trap, qui m’ont valus mes premiers concerts !
Est-ce à moment-là que tu as écrit le hit « Frontline », en une poignée de minutes d’après la légende ?
Oui en vingt minutes exactement man ! Étrangement, je ne me suis jamais senti très à l’aise avec ce morceau, comme si je ne l’assumais pas. Il m’a fallu apprendre à grandir avec, jusqu’à ce qu’il trouve sa place dans mon premier projet. Ma carrière se construit, j’aime faire de la musique, mais pour tout dire, j’apprends actuellement à en faire. Je suis en phase d’étude. D’un point de vue musical, je crois que j’ai encore besoin d’être un peu poussé et motivé pour booster ma confiance en moi.
À cette époque, quels artistes t’influençaient le plus ?
Beaucoup de rappeurs. Gamin, j’ai volé le lecteur MP3 de mon cousin, et il y avait beaucoup de Vybz Kartel qui y était playlisté. En dancehall, c’est le plus chaud, j’écoute sa musique depuis hyper longtemps, c’est méga lourd ! Il ne se fait pas appeler Di Teacha pour rien.
J’ai aussi entendu que tu étais un fan du chanteur français Singuila, comment l’as-tu découvert ?
Alors que je venais de quitter l’école, mes potes français m’avaient conseillé sa musique. Je kiffe à fond. Un morceau comme « Le Misérable » me fait vachement penser aux vibes de « Lonely » d’Akon. Écouter du Singuila était inévitable compte tenu de mes inspirations, qui sont finalement hyper variées. J’ai grandi en Gambie et je suis très attaché à la culture d’Afrique de l’Ouest. La musique française est une grosse référence également, j’aimerais collaborer avec des artistes issus de cette scène !
Des rappeurs français également ?
À fond ! Je peux rapper quelques phases en français, même si je ne comprends pas toujours toutes les paroles. J’adore Gazo, Niska ou Kaaris. Voilà des rappeurs avec qui je me vois travailler.
Des collaborations et retrouver la scène également ?
Le plus possible oui ! Bouger, voyager, partir en tournée, dès que la situation le permettra ! Sans oublier le studio man. Continuer à travailler cette vibe en studio, continuer d’apprendre tout ce processus de création, à affûter cette expérience qui est si différente à chaque fois. Voilà l’actu pour 2021 !
L’album Send Them to Coventry est sorti le 13 novembre via Atlantic/Warner UK.
Écoutez Pa Salieu dans notre playlist Pan African Rap sur Spotify et Deezer.